Madame Watches décrypte le marché des montres de collection. Découvrez les marques, les modèles et les tendances qui passionnent les amateurs et les collectionneurs
Introduit dans l’univers de la joaillerie il y a 90 ans, le Tubogas séduit rapidement les horlogers. Parmi toute la production horlogère, la manchette Bulgari est devenue un must have intemporel. Les exemplaires vintage sont très demandés et se vendent aujourd’hui facilement entre 13.000€ et 20.000€. Les montres les plus originales dépassent souvent la barre des 30.000€, et l’on observe depuis quelques mois des résultats de plus en plus incroyables en salles de ventes. Devenu l’une des tendances vintage chic, le Tubogas est pourtant au départ utilisé pour son coté cheap. Retour sur l’avènement de l’une des techniques artistiques les plus inventives du 20ème siècle.
Tubogas, Tuyaux à gaz ou Spirotube, les appellations divergent et malgré un nom si peu sexy ce travail de l’or complexe a donné vie à des bijoux d’une sensualité extrême depuis les années 1940. C’est Bulgari qui fait entrer le Tubogas dans le vocabulaire joaillier en 1932 en nommant ainsi – avec simplicité et tellement d’audace – l’une de ses collections.
Si l’histoire du Tubogas est celle d’une forme inspirée des tuyaux ondulés en métal servant à transporter du gaz sous pression, c’est aussi l’histoire d’un Arte Povera qui envahit les studios de création des joailliers les plus talentueux de l’époque. La joaillerie influençant souvent l’horlogerie, dès 1935 ce délicat travail de l’or est utilisé en horlogerie.
« la montre Cadenas est née en 1935 avec sa chaîne Tubogas, dite chaîne serpent, terme plus chic que tuyau à gaz »
Catherine Carriou Ex-directrice du Patrimoine Van Cleef & Arpels
UNE TECHNIQUE QUI EXPLOSE PENDANT LA GUERRE
C’est véritablement dans les années 1940 que le Tubogas va devenir très tendance. Grâce au décret du 9 septembre 1939, 6 jours exactement après avoir déclaré la guerre à l’Allemagne, la France réglemente strictement le commerce de l’or et interdit son exportation afin d’éviter la ruine du pays. Soutenir l’effort de guerre est imposé à toutes les industries : les métaux précieux deviennent rares, chers et difficilement accessibles. Le cours de l’or explose – il sera pratiquement multiplié par 5 entre 1940 et 1945. La joaillerie, impacté par des problèmes d’approvisionnement en métaux et pierres précieuses, se réinvente et les joailliers imaginent une production « de crise ». L’or jaune, qui a l’avantage de pouvoir être fondu et refondu à l’infini, est exploité avec une nouvelle approche : on travaille sa texture et joue avec sa brillance. Avoir recours à une technique qui utilise peu de matière devient nécessaire. Justement la technique du Spirotube oblige à travailler avec une très fine quantité d’or.
BULGARI, L’ART DU TUBOGAS
Si Cartier, Van Cleef & Arpels, Boivin ou même Tiffany & Co développent des créations en Tubogas, c’est Bulgari qui s’approprie mieux qu’aucun autre joaillier cette technique. Le joaillier romain développe la production horlogère la plus extravagante d’après-guerre.
Chez Bulgari, l’utilisation du Tubogas coïncide avec l’apparition du serpent dans les collections de la maison. Ce nouveau motif, qui s’entortille et s’enroule lascivement, inspire de nouvelles formes. L’or, si rigide, devient flexible et élastique. Travaillé en spirales interminables, le bracelet se décline en une montre manchette excentrique de 3, 5 ou 7 rangs.
Jusqu’à la fin des années 70, Bulgari, qui ne fabrique pas de mouvements, développe toutes ses montres en collaboration avec d’autres manufactures horlogères. Les modules horlogers sont produits par Jaeger LeCoultre, Vacheron Constantin, Audemars Piguet, Ebel ou Movado.
LE MARCHÉ
De Patek Philippe à Omega, les manufactures horlogères les plus prestigieuses ont développé des créations féminines en Spirotube. Mais de toute la production, les manchettes signées Bulgari sont les montres qui valorisent le plus aujourd’hui.
Depuis une dizaine d’année, les modèles vintage sont devenus de véritables collectors et l’on observe une hausse des prix significative depuis 2019/2020 dans les salles de ventes aux enchères.
Les modèles multicolores 3 ors sont ceux les plus recherchés. L’été dernier, La maison de vente française Artcurial a enregistré le plus gros record jamais atteint pour une machette co-réalisée par Bulgari et le designer star Gerald Genta : 75.600€.
S’il était possible de faire l’acquisition d’une pièce vintage original signée Jaeger LeCoultre, ou Eberhard pour moins de 5.000€ il y a encore 2 ou 3 ans, il semble que le marché soit en passe de s’envoler.