Le 16 juillet dernier, la maison Artcurial a vendu aux enchères une montre chargée d’histoire : un chronographe Universal Genève ayant appartenu à l’un des plus grands héros de la France libre, Pierre-Henri Clostermann. Mis à prix 6 000€, ce garde-temps à la provenance inédite a triplé son estimation !

Les salles de ventes aux enchères sont probablement le seul lieu sur terre où l’on peut espérer voir resurgir des objets que l’on pensait à jamais disparus. Comment imaginer que la montre de Pierre-Henri Clostermann, premier pilote de chasse français dont les prouesses aériennes lui valurent d’être l’homme le plus décoré de France, réapparaîtrait un jour par hasard dans une vente aux enchères à Monaco ! Compagnon de la libération, il fut aussi une personnalité politique incontournable, un industriel et un écrivain à succès mondialement reconnu.

Dans un état de conversation remarquable, son chronographe Universal Genève, acheté le 23 mars 1938 auprès du revendeur Hamilton’s à Los Angeles, était encore accompagné de son écrin d’époque et de son certificat d’origine. Alors à peine âgé de 18 ans, Clotermann avait commandé auprès de la prestigieuse manufacture suisse son premier chronographe « professionnel ». Équipé d’un cadran spécial avec échelle tachymètre en miles, et non en kilomètre pour se conformer aux nomes américaines, ce chronographe a suscité l’intérêt des plus importants collectionneurs de montres militaires et des amateurs en quête d’une pièce à la provenance exceptionnelle.

« En avant ! Clostermann. À notre époque de platitude apparente et de bassesse officielle, vous êtes comme du levain dans la pâte. D’innombrables esprits sont accouchés par votre maïeutique. Tout ce que vous semez lèvera. Bien amicalement. »

Général de Gaulle
Extrait d’une lettre manuscrite reçue à l’occasion des élections législatives de 1951

Fils de diplomate, né en 1921 au Brésil, Pierre-Henri Clostermann se passionne dès son plus jeune âge pour l’aviation. En 1938, il entre à la Ryan Flying School de San Diego, école d’aviation prestigieuse qu’il abandonnera pourtant rapidement pour rejoindre l’American College of Aviation de Los Angeles, l’une des plus mythiques écoles américaines de pilotes.

La même année, il fait l’acquisition à Los Angeles, auprès du détaillant Hamilton’s, de ce chronographe en acier. Comme tous les pilotes militaires, Clostermann avait fait le choix d’une montre équipée d’un boîtier à anses fixes et avait pris soin de faire graver son nom au dos du boîtier, afin qu’il puisse être identifié si l’une de ses missions venait à mal tourner.

Peu après l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale, Clostermann s’engage dans les Forces Aériennes Française Libres (FAFL), unités créées par le Général de Gaulle en 1940. Rapidement, il s’affirme comme l’un des meilleurs pilotes de chasse et multiplie les victoires sur l’ennemi. Premier as de l’aviation, il participe aux opérations du débarquement en Normandie le 6 juin 1944, et sera décoré par le ministre de l’Air, pour son courage et ses exploits.

Après le conflit, il entame une carrière politique et devient le plus jeune député de France. En parallèle, il se consacre à l’écriture et publie en 1948 Le Grand Cirque, un livre dans lequel il livre ses mémoires de pilote de chasse. Considéré comme un ouvrage de référence par toute une génération d’historiens, ce livre, édité à 3 millions d’exemplaires et traduit en plus de 30 langues, connu un succès mondial.

Surnommé « le premier chasseur de France », Pierre-Henri Clostermann est l’une des personnalités les plus marquantes du 20e siècle. Pilote émérite et héros de la France Libre, il rencontra les personnalités les plus influentes du siècle passé, de Che Guevara à Hemingway en passant par le Pape Pie XII.

En 2005, il publie Une vie pas comme les autres, un récit autobiographique bouleversant dans lequel il revient sur les moments forts de son existence, et relate notamment l’aventure Reims Aviation, société dont il prend la tête en 1970. Portrait d’un homme libre, courageux et juste qui combat pour la France Libre et dénonça sans relâche la violence de la guerre. Pierre-Henri Clostermann s’est éteint l’année suivante à l’âge de 85 ans.

Avant de réapparaître sur le marché, cette montre avait été conservée de longues années dans une collection privée française.